J’embrasse pas. Dir. André Téchiné (1991)

Gaëlle GINESTET

Description en français

Référence n°1

Localisation dans le film : 0.32 – 0.34

Langue de la citation/référence dans le film : français

Pierre Lacaze est un jeune gascon de milieu modeste. Il s’ennuie dans ses Pyrénées natales et monte à Paris afin de poursuivre son rêve : devenir comédien. Après avoir trouvé un travail à la plonge dans un hôpital, il s’est inscrit à un cours de théâtre. Le professeur d’art dramatique fait monter Pierre sur scène.

PROFESSEUR D'ART DRAMATIQUE : Qu’est-ce que vous avez envie de jouer ?

PIERRE : Je sais pas. Quelque chose de facile pour commencer.

PROFESSEUR : Si vous allez à la facilité vous n’êtes pas sorti de l’auberge. Bon, vous allez me travailler le monologue d’Hamlet. Ça vous dit quelque chose ? Être ou ne pas être ?

PIERRE : Oui, oui, bien sûr. Pour jeudi prochain ?

PROFESSEUR : Oh non, je vous laisse deux semaines, vous en aurez besoin. Bon, on reprend. Pascal(e) et Florence, en piste.

(Pierre se rassied dans la salle et demande à une élève du cours :)

PIERRE : Tu veux bien m’écrire ce qu’elle a dit ? Ben oui, c’ qu’il faut qu’j’apprenne.

(Extérieur nuit. Pierre marche le long de la Seine et lit le monologue d’Hamlet [passage qui semble inspiré de la traduction d’Yves Bonnefoy])

PIERRE : Est-il plus noble pour une âme de souffrir les flèches et les coups d'une indigne fortune, ou de prendre les armes contre une mer de troubles et de leur faire front, et d’y mettre fin ? Mourir, dormir, dormir, rien de plus ; terminer, par du sommeil, la souffrance du cœur et…

(À l’hôpital où travaille Pierre :)

SAÏD : Y’a Mireille qui t’cherche partout. Ça va gueuler. Pierre, Pierre, réveille-toi.

PIERRE : J’en peux plus. J’ai pas fermé l’œil de la nuit. J’arrive pas à comprendre ce putain d’bouquin.

SAÏD : Quel bouquin ?

PIERRE : Ben mon texte.

 

Référence n°2

Localisation dans le film : 0.40

Langue de la citation/référence dans le film : français

Pierre est au lit avec sa maîtresse. Ils viennent de faire l’amour.

EVELYNE : Ça t’ennuie pas que j’te raconte tout ça ?

PIERRE : Non non. Dis donc, tu sais c’que ça veut dire, toi, « les mille secousses naturelles qui sont l’héritage de la chair » ?

EVELYNE : J’ai eu tort d’insister, j’aurais pas dû monter. Je te laisse avec ton livre.

 

Référence n°3

Localisation dans le film : 0.41

Langue de la citation/référence dans le film : français

PIERRE : Quand nous aurons réduit à rien le tumulte de vie… (Des sirènes hurlent. Pierre ferme la fenêtre) C’est ce qui, c’-c’est ce qui, c’est ce qui nous réfrène – c’est la, c’est la, c’est la pensée qui fait que…

(Pierre aperçoit une enveloppe glissée sous sa porte. Il pose le livre par terre)

Référence n°4

Localisation dans le film : 0.43 – 0.46

Langue de la citation/référence dans le film : français

Pierre est parti de chez sa maîtresse. Il n’a plus ni travail, ni logement. Il se réfugie dans la salle d’attente d’une gare, où il continue à lire Hamlet, mais en est évacué. Il s’assied alors dans la rue pour reprendre sa lecture.

Sur la scène du cours de théâtre, Pierre, droit comme un I, récite le monologue d’Hamlet d’une voix monocorde :

PIERRE : L'angoisse dans l'amour bafoué, la loi qui tarde et la morgue des gens en place, et les vexations que le mérite doit souffrir des êtres vils, alors qu'il peut se donner son quitus d’un simple coup de poignard ? Qui voudrait ces fardeaux, et gémir et suer à longueur de vie, si la terreur de quelque chose après la mort, ce pays inconnu dont nul voyageur n'a repassé la frontière, ne troublait notre dessein. Voici l’énigme qui nous fait supporter les maux présents plutôt que voler vers d’autres que nous ne connaissons pas, et c’est ainsi que…

PROFESSEUR : Qu’est-ce qui vous arrive, Lacaze ?

PIERRE : Je sais plus. Mon texte. Pourtant je le savais encore cette nuit.

(Les autres élèves du cours éclatent de rire)

PROFESSEUR : Et vous, qu’est-ce qui vous arrive ? C’est si drôle que ça ? Quelqu’un connaît la suite ?

UN JEUNE HOMME : C’est ainsi que la conscience fait de nous des lâches, c’est ainsi que la verdeur première de nos résolutions s’étiole à l’ombre pâle de la pensée.

PROFESSEUR : Bon. Et vous, Lacaze, comment est-ce que vous définiriez Hamlet ?

PIERRE : Je sais pas.

PROFESSEUR : Et vous, les malins ?

UNE  : Pour moi c’est un simulateur. C’est la mélancolie qui le rend comme ça. C’est un grand mélancolique, comme Kierkegaard, Dostoïevski…

PROFESSEUR : Bon, d’accord, d’accord. Qu’est-ce que vous en pensez, Lacaze ?

PIERRE : J’y comprends rien. Et j’ai mal au ventre.

(Pierre descend de scène et sort précipitamment de la salle en emportant son sac de voyage. Plus tard, Pierre marche, le livre à la main, au bord de la Seine. Il le jette à l’eau)

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